Pour une société ouverte à tous : plongée dans les politiques sociales du handicap en France
- Laura Boissinot
- 9 avr. 2023
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 avr. 2023

L’histoire des politiques sociales du handicap en France est étroitement liée à l’évolution des représentations sociales du handicap dans la société. Si le handicap a longtemps été considéré comme un phénomène marginal, voire stigmatisé, les politiques sociales se sont progressivement développées pour tendre vers une plus grande inclusion des personnes en situation de handicap.
Les principales lois :
C’est en 1975 que la France adopte une première loi d’envergure sur le sujet, la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, dite "loi d'orientation de 1975". Cette loi marque une étape importante dans la reconnaissance des droits des personnes en situation de handicap en France. Elle crée notamment les Commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP), chargées d’accompagner les personnes handicapées dans leur parcours professionnel et leur reconversion. Elle a notamment créé l'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) pour permettre aux personnes en situation de handicap d'avoir un minimum de ressources pour subvenir à leurs besoins.
Cependant, malgré cette avancée législative, la question de l’accessibilité des lieux publics et des transports reste largement ignorée jusqu’à la fin des années 1990. Les personnes en situation de handicap doivent ainsi faire face à de nombreux obstacles pour accéder aux espaces publics, comme le rappelle le sociologue Emmanuel Jovelin :
"Pour un fauteuil roulant, se déplacer dans un environnement urbain normal est un parcours du combattant. Tant de bâtiments publics ou privés, de commerces, de logements, de moyens de transport, de voies de circulation, lui sont inaccessibles, voire interdits." (Emmanuel Jovelin, "Le handicap dans la cité", La Documentation française, 2004).
C’est dans ce contexte que la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est adoptée. Cette loi, inspirée par les travaux de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, a instauré le principe d'accessibilité universelle, qui impose que tous les équipements, les bâtiments et les services soient accessibles à tous, quelle que soit la situation de handicap. Elle a également créé la prestation de compensation du handicap (PCH), qui permet de prendre en charge les dépenses liées à la perte d'autonomie des personnes en situation de handicap.
Cette même année, l'article L114-1 du Code de l'Action Sociale et des Familles affirme que "toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, à laquelle il appartient de garantir, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté".
Cependant, la mise en œuvre de cette loi se heurte rapidement à des difficultés. Les délais pour la mise aux normes des bâtiments publics et des transports sont trop courts, et de nombreuses dérogations sont accordées. En 2015, la loi de transition énergétique fixe de nouveaux délais, avec une échéance de 2024 pour l’accessibilité de tous les établissements recevant du public.
Par ailleurs, l’accessibilité physique ne suffit pas à garantir une inclusion pleine et entière des personnes en situation de handicap dans la société. Il est également nécessaire de lutter contre les préjugés et les stéréotypes, comme le souligne la chercheuse en psychologie sociale Sandrine Astor : "Le handicap a souvent été considéré comme un attribut stigmatisant, qui réduisait les personnes qui en étaient atteintes à une condition de non-citoyens. Or, pour être considéré comme un citoyen à part entière, il faut avoir le droit de participer aux mêmes activités que les autres." (Sandrine Astor, "Handicap et citoyenneté", Inclusion, n°2, 2004)
La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a eu pour objectif de garantir une meilleure protection des personnes majeures vulnérables, notamment celles souffrant d'une altération de leurs facultés personnelles. Elle a permis de clarifier les différences entre la protection juridique et l'action sociale en distinguant clairement les mesures de nature sociale des mesures prononcées par le juge des tutelles. Cette loi a également mis fin à des motifs de tutelle ou de curatelle tels que la prodigalité, l'intempérance ou l'oisiveté en imposant une condition médicale préalable pour justifier une telle mesure de protection. Enfin, la loi du 5 mars 2007 a imposé aux juges des tutelles de prendre en compte les choix et préférences de la personne concernée dans la mesure du possible, tout en adaptant l'étendue et le contenu de la mesure aux stricts besoins de la personne protégée.
En 2016, la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a également eu un impact sur la politique du handicap. Cette loi a notamment renforcé l'accès aux soins des personnes en situation de handicap en leur garantissant un parcours de soins coordonné et adapté à leurs besoins.
Il est important de noter que la politique du handicap en France ne se résume pas seulement aux lois. Elle implique également de nombreux.ses acteur.rice.s, et met en place différents dispositifs.
Les principaux dispositifs :
Il existe plusieurs dispositifs qui ont été mis en place dans le champ du handicap en France. Ces dispositifs ont pour objectif d'accompagner les personnes en situation de handicap dans leur quotidien et de favoriser leur inclusion sociale. Voici un aperçu des principaux dispositifs :
La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) : c'est l'interlocuteur unique pour les personnes en situation de handicap et leur famille. Elle est chargée d'évaluer les besoins de la personne en situation de handicap et de proposer des solutions adaptées à sa situation. La MDPH est également chargée d'attribuer des aides financières, telles que la Prestation de Compensation du Handicap (PCH).
La Prestation de Compensation du Handicap (PCH) : c'est une aide financière destinée à couvrir, en partie, les besoins liés à la perte d'autonomie de la personne en situation de handicap. Elle permet notamment de financer des aides humaines, des aides techniques, des aménagements du domicile, etc.
L'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) : c'est une aide financière destinée aux personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas travailler ou qui travaillent avec une capacité de travail réduite. Elle permet de garantir un revenu minimum à la personne en situation de handicap.
La Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) : c'est une reconnaissance qui permet à la personne en situation de handicap de bénéficier de certaines aides pour accéder à l'emploi ou pour travailler. Elle permet notamment de bénéficier de l'obligation d'emploi des travailleurs en situation de handicap, qui impose aux entreprises de plus de 20 salariés d'employer des travailleurs en situation de handicap à hauteur de 6% de leur effectif.
Les transports adaptés : il existe différents dispositifs pour faciliter les déplacements des personnes en situation de handicap, tels que les taxis accessibles, les transports en commun adaptés, les cartes de stationnement pour personnes handicapées, etc.
Les aménagements du domicile : il existe des aides financières pour réaliser des travaux d'aménagement du domicile, tels que l'installation d'une rampe d'accès, la mise en place d'une douche adaptée, etc.
La scolarisation : les enfants en situation de handicap ont droit à une scolarisation adaptée à leurs besoins. Il existe différents dispositifs pour favoriser leur inclusion à l'école, tels que les Accompagnant.es d'élèves en situation de handicap (AESH), les Unités Localisées pour l'Inclusion Scolaire (ULIS), etc.
La prise en charge de la santé : la loi de modernisation de notre système de santé a renforcé l'accès aux soins pour les personnes en situation de handicap en garantissant un parcours de soins coordonné et adapté à leurs besoins.
Les établissements et services médico-sociaux : ce sont des structures qui accueillent et accompagnent les personnes en situation de handicap. Ces structures sont destinées à offrir un accompagnement adapté aux besoins de la personne en situation de handicap.
Les établissements sociaux et médicosociaux :
Les établissements sociaux et médicosociaux peuvent être publics ou privés. Les établissements publics sont gérés par les collectivités territoriales (communes, départements, régions) ou par l'État. Les établissements privés peuvent être à but lucratif ou non lucratif.
Les établissements sociaux et médicosociaux accueillent différents publics en fonction de leur handicap et de leurs besoins. Ils peuvent être "en milieu fermé" ou bien "en milieu ouvert". En voici quelques-uns :
Les Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS) : Les MAS accueillent des adultes atteints d'un handicap intellectuel, physique et/ou psychique, nécessitant une assistance permanente. Les MAS ont pour mission de favoriser l'autonomie des résidents tout en leur offrant une prise en charge médicale, éducative et sociale adaptée.
Les Instituts Médico-Éducatifs (IME) : Les IME accueillent des enfants et des adolescents en situation de handicap mental ou psychique. Leur mission est d'offrir un accompagnement éducatif et thérapeutique pour permettre aux jeunes de développer leur potentiel, tout en respectant leur rythme et leur particularité.
Les Foyers d'Accueil Médicalisé (FAM) : Les FAM accueillent des adultes en situation de handicap mental, moteur ou psychique, nécessitant une assistance médicale et sociale. Les résidents y sont accompagnés pour leur permettre de développer leur autonomie et leur qualité de vie.
Les Foyers Occupationnels (FO) : Les FO accueillent des adultes en situation de handicap mental, qui peuvent travailler en milieu protégé ou non. Les résidents y sont accompagnés pour leur permettre de développer leur autonomie et leur intégration sociale.
Les Établissements et Services d'Aide par le Travail (ESAT) : Les ESAT sont des structures qui accueillent des personnes en situation de handicap pour leur permettre de travailler en milieu protégé. Ils ont pour mission de favoriser l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.
Les Centres d'Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) : Les CAMSP accueillent des enfants de 0 à 6 ans présentant un handicap ou un risque de handicap. Ils ont pour mission de proposer un accompagnement précoce pour permettre une prise en charge adaptée dès les premiers signes.
Les Centres Médico-Psychologiques (CMP) : Les CMP accueillent des enfants et des adultes en situation de handicap mental ou psychique. Ils ont pour mission d'offrir un accompagnement thérapeutique et un suivi médical adapté.
Les instituts pour jeunes sourds (IJS) sont des établissements destinés aux enfants et adolescent.es sourd.es ou malentendant.es. Leur mission principale est d'offrir une éducation adaptée à ces jeunes, en leur proposant des enseignements en langue des signes française (LSF), en français oral ou en bimodalité (combinaison de la LSF et du français oral). Les IJS proposent également un accompagnement médical et social pour favoriser l'insertion de ces jeunes dans la société.
Les instituts pour jeunes aveugles (IJA) sont des établissements similaires destinés aux enfants et adolescent.es aveugles ou malvoyant.es. Ils ont pour mission de leur offrir une éducation adaptée, notamment en proposant des enseignements en braille, en relief ou en gros caractères. Les IJA proposent également un accompagnement médical et social pour favoriser l'autonomie et l'insertion de ces jeunes dans la société.
Les Services d'Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH) : ils ont pour mission d'accompagner les personnes en situation de handicap à domicile ou dans leur environnement social et professionnel. Ils proposent un accompagnement médico-social individualisé afin de favoriser l'autonomie de la personne.
Les Services d'Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) : ils accompagnent les personnes en situation de handicap pour faciliter leur intégration sociale, leur maintien à domicile et leur participation à la vie citoyenne. Ils proposent un accompagnement personnalisé pour les activités de la vie quotidienne, l'accès aux soins, la gestion administrative, etc.
Les Services d'Accueil de Jour (SAJ) : ils accueillent les personnes en situation de handicap pendant la journée pour leur proposer des activités éducatives, culturelles, sportives et de loisirs. Ces activités visent à stimuler leur autonomie, leur socialisation et leur développement personnel.
Les Services d'Education Spéciale et de Soins à Domicile (SESSAD) : ils accompagnent les enfants et les adolescents en situation de handicap dans leur environnement scolaire et familial. Ils proposent un accompagnement éducatif, pédagogique et thérapeutique pour favoriser leur inclusion scolaire et leur développement personnel.
Les Services d'Accompagnement Familial et d'Education Précoce (SAFEP) : ils accompagnent les enfants en situation de handicap et leur famille dès les premiers mois de la vie de l'enfant. Ils proposent un accompagnement éducatif et thérapeutique pour favoriser le développement de l'enfant et soutenir la famille dans sa prise en charge quotidienne.
Les Centres d'Activités de Jour (CAJ) : ils accueillent les adultes en situation de handicap pour leur proposer des activités de jour en groupe, adaptées à leurs capacités et à leurs intérêts. Ces activités visent à favoriser leur inclusion sociale, leur développement personnel et leur autonomie.
Les établissements sociaux et médicosociaux sont des acteurs clés de la prise en charge des personnes en situation de handicap en France. Mais il existe d'autres types d'établissements à découvrir pour mieux comprendre le paysage de l'accompagnement des personnes en situation de handicap. Et justement, le prochain chapitre vous présente les acteur.rice.s importants du secteur !
Principaux acteur.rices et partenaires :
Les partenaires des personnes dans le domaine du handicap sont nombreux et variés. On peut citer notamment :
Les associations : Elles représentent les personnes en situation de handicap et défendent leurs droits et intérêts. Elles sont également impliquées dans la mise en place de politiques publiques et l'accompagnement des personnes en situation de handicap.
Les professionnel.le.s du médico-social : Ils et elles sont chargé.es de l'accompagnement des personnes en situation de handicap au quotidien, que ce soit en établissement ou en milieu ouvert. On peut citer notamment les éducateur.rices spécialisé.es, les aides soignant.es, les psychologues, les ergothérapeutes, les orthophonistes, etc.
Les autorités publiques : Elles sont responsables de la mise en place des politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap. On peut citer notamment le ministère chargé des affaires sociales et de la santé, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les conseils départementaux, etc. Elles peuvent également financer des actions de soutien à l'emploi, à l'éducation ou à l'accompagnement social et médico-social.
Les entreprises et employeurs : Ils ont un rôle à jouer dans l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, en favorisant leur accès à l'emploi et en mettant en place des aménagements adaptés.
Les organismes de formation : Ils ont pour mission de former les professionnel.le.s du médico-social et les accompagnant.es bénévoles pour leur permettre d'accompagner au mieux les personnes en situation de handicap.
Les organismes de recherche : Ils mènent des études et des recherches sur le handicap afin de mieux comprendre les enjeux liés à cette problématique et d'améliorer les solutions proposées.
Les familles et les proches : Ils sont souvent les premiers accompagnants des personnes en situation de handicap et ont un rôle important à jouer dans leur accompagnement.
Les mandataires judiciaires : les mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) sont des professionnels qui interviennent auprès des personnes majeures protégées par une mesure de tutelle ou de curatelle. Ils veillent à la protection des droits et intérêts de ces personnes et assurent une mission de représentation légale.
L'éducation nationale : les établissements scolaires, de la maternelle au lycée, sont tenus d'accueillir tous les enfants en situation de handicap et de mettre en place des aménagements pédagogiques et des aides techniques adaptées à leurs besoins. Des professionnel.les de l'éducation spécialisée, tels que les enseignant.es spécialisé.es et les accompagnant.es des élèves en situation de handicap (AESH), sont également mobilisés pour accompagner les enfants dans leur parcours scolaire.
Tous ces acteurs et partenaires travaillent ensemble pour améliorer la prise en charge des personnes en situation de handicap et garantir leurs droits et leur inclusion dans la société.
Enfin, il est important de souligner que l'histoire des politiques sociales du handicap en France est encore en évolution constante et que de nouveaux enjeux émergent régulièrement. Il est donc primordial pour les éducateurs spécialisés de se tenir informés des évolutions législatives et des débats en cours pour accompagner au mieux les personnes en situation de handicap dans leur parcours de vie.
Pour télécharger la carte mentale :
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