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Une éducatrice spécialisée dans un commissariat... Mais pour quoi faire ?



Laissez moi vous parler d'un boulot que j'adore : intervenante sociale en commissariat ! Cela fait maintenant deux ans et demi que je suis dans cette aventure passionnante et je vais vous raconter ce qui se passe dans mon quotidien de travail. Bien sûr, chaque professionnel.le, chaque employeur, chaque territoire ont leurs propres spécificités, mais je vais vous donner ici un aperçu général (qui n'engage que moi!).


1. Contexte


Le travail d'un.e intervenant.e social.e en commissariat, c'est comme un carrefour où toutes les actions sociales se rencontrent. Nous exerçons dans le cadre de la lutte contre l’exclusion à la lutte contre les violences intrafamiliales et faites aux femmes ; de la protection des personnes vulnérables à l’accès aux droits ou encore de la protection de l’enfance, à la prévention de la récidive et à la réinsertion. Rien que ça !


Nous sommes environ 400 ISCG (Intervenant.es Sociaux.ales en Commissariat et Gendarmerie) en France, employé.es par une collectivité territoriale ou une association.


Notre poste est réglementé par les circulaires interministérielles des 1er août et 21 décembre 2006 qui encadrent nos missions.


Les missions de l’ISCG y sont définies :


« L’IS est au cœur d’un dispositif centré sur la personne, mettant en lien la police ou la gendarmerie nationale et les services sociaux compétents (…). Il offre une réponse immédiate à la personne par une écoute approfondie. Son champ d’action est fondé sur le court terme et doit permettre, le cas échéant, d’organiser la prise en charge de la personne fragilisée ou de la victime par des intervenants spécialisés. »


Nos missions sont variées et passionnantes :


▪ Accueil et écoute active en évaluant la nature des besoins sociaux révélés dans le cadre de l’activité des forces de l’ordre.

▪ Intervention sociale de proximité selon la situation de crise, voire d’urgence.

▪ Participation au repérage précoce des situations de détresse sociale afin de prévenir une éventuelle dégradation.

▪ Informations et orientations spécifiques vers les services sociaux de secteur, spécialisés et/ou les services de droit commun.

▪ Facilitation du dialogue interinstitutionnel entre les services de sécurité publique et la sphère socio-médico-éducative

▪ Participation à l’observatoire national du dispositif en complétant mensuellement la grille statistique du ministère de l’intérieur et en rédigeant un rapport d’activité annuel.


2. Spécificités


a. Relation hors contrainte et accueil inconditionnel


La circulaire interministérielle en date du 1er août 2006 précise que : « l’acte d’accompagnement, de médiation ou de soutien doit recevoir la pleine adhésion de la personne qui en fait l’objet et est dénuée de coercition ».


Afin de permettre l’émergence de la parole et des échanges libres et dans le non-jugement des personnes, je tend à créer un espace de rencontre sécurisant, rassurant, et dans le respect du secret professionnel.


Je propose :

▪ Des entretiens à partir de la libre adhésion des personnes qui ont la possibilité de refuser ou de cesser l’accompagnement proposé dès qu’elles le souhaitent ;

▪ Une posture professionnelle permettant un échange en toute sécurité, sans jugement pour dépasser la honte et la culpabilité ressenties par la majorité des personnes vivant des violences ;

▪ Aux personnes de rester maitresses de leur situation : évocation et réflexion bienveillante autour des effets du dépôt ou du retrait de plainte, accompagnement pour les démarches si la personne le souhaite ;

▪ Un accompagnement à la recherche de soutien en dehors de toute procédure judiciaire ou de contrainte si la personne ne désire pas déposer une plainte ou une main courante.


De plus, il est primordial de préciser que je reçois toute personne, indépendamment de son genre, son sexe, sa nationalité, son âge, sa situation administrative, son lieu de résidence ou tout autre critère discriminant.


b. Disponibilités et outils de communication


Mes horaires de travail se situent entre 9h et 18h du lundi au vendredi. Or, il s’avère très fréquemment que ces horaires soient variables afin de répondre aux besoins des personnes accompagnées.


En effet, j'essaie d'adapte sans cesse mon emploi du temps et mes actions en fonction de la disponibilité des personnes et de l’urgence de certaines situation. Une priorisation est indispensable compte tenu de l’évaluation du risque et du danger pouvant être faite.


L’autonomie de ce poste me permet une meilleure disponibilité pour les personnes accueillies. La mise à disposition d’un téléphone portable professionnel permet une grande facilité de contact pour le public accueilli que ce soit par le biais d’appel, de sms ou WhatsApp.


3. Comment les personnes arrivent elles jusqu'à moi ?


Il existe plusieurs façons d'arriver jusqu'à moi :


Par les policier.es :


Les policier.es peuvent venir à ma rencontre (mon bureau étant situé au sein de leur commissariat) en m'expliquant brièvement la situation de la personne et en me transmettant ses coordonnées. De plus, mes coordonnées inscrites sur une carte disponible à l’accueil. Celui-ci peut être donné à toute personne qui pourrait en avoir besoin.


Lorsque les personnes se présentent à l’accueil et que l’agent présent.e estime judicieux qu’elles puissent m'être orientées, il est possible que je les reçoive directement dans mon bureau. Il en est de même pour les personnes orientées par les policier.es qui prennent les plaintes. Lorsque je ne suis pas disponible, les personnes me contactent pour prendre rendez vous.


Par les différents partenaires :


Je peux également être saisie directement par téléphone ou mail par les différents partenaires du territoire. Lorsqu'elles ou ils estiment qu'il serait intéressant pour la personne de me rencontrer, les partenaires peuvent leur donner directement mon numéro pour la prise de rendez vous.


Par le "bouche à oreille" :


Les personnes peuvent également me contacter directement afin de me demander un rendez-vous. Ces personnes, la plupart du temps, ont entendu parler de l’ISC par un proche qui avait déjà été suivi.


4. Comment je les accueille


Pour les personnes les plus en retrait des institutions, les plus réfractaires ou dans l’impossibilité de se déplacer, je peux également me déplacer à domicile, chez un.e partenaire ou dans un lieu neutre, afin de faciliter la rencontre. De plus, je suis amenée à accompagner, dans certains cas, les bénéficiaires lors de rendez-vous avec d’autres professionnel.le.s ou institutions.


Par exemple, je reçois une femme suite à une orientation d'un agent de police à l'accueil. Elle dénonce des faits de violences conjugales et souhaiterait obtenir une mesure d’éloignement mais ne se sent pas encore prête pour déposer plainte. Je vais l'orienter auprès d’une juriste pour la mise en place d’une ordonnance de protection. Suite à cela, un rendez-vous avec une avocate est pris, Madame a peur d’y aller seule. La juriste ne pouvant l’accompagner, je m’y rend avec elle. Cela permet une présence rassurante auprès de la personne, mais également de pouvoir reprendre les termes utilisés par l’avocat, de pouvoir répondre aux questions qu’elle se poserait à postériori de l’entretien et de renforcer notre relation de confiance.


La majorité des entretiens a lieu en présentiel, au sein du commissariat. Mais dans certaines situations il est possible d’effectuer les entretiens en distanciel (par téléphone principalement).


Je suis également amenée à mettre en place des activités collectives chez les différents partenaires (atelier sur les risques des réseaux sociaux au sein d'une MECS - Maison d'Enfants à Caractère Sociale).


5. Le travail partenarial


Le travail partenarial est au cœur de mon travail L’ISC est un facteur de lien entre les personnes accompagnées et le commissariat mais également entre les partenaires et le commissariat.


Au niveau des partenaires, j'effectue une déconstruction de l’image policière, en explicitant les problématiques inhérentes au travail policier, et en faisant le lien avec les différentes brigades. Cela permet également de détailler aux policières le fonctionnement et les procédures propres aux services sociaux ou de leur conseiller une orientation vers le service social le plus approprié à la situation.


J'ai également eu l'opportunité de réaliser une maraude auprès des femmes en situation de prostitution avec une association. Cette action permet aux personnes rencontrées de se rendre compte de la possibilité d’être protégées, d’être entendue au sein d’un commissariat et de pouvoir faire valoir leurs droits. Le fait « d’aller vers », un.e professionnel.le qui vient directement au contact des personnes, permet de donner un sentiment de confiance et peut encourager la libération de la parole.


Le lien entretenu avec les acteur.ice.s du terrain permet de lever les incompréhensions, de confronter les analyses, traduisant la volonté de tous de travailler en proximité. Cela permet de travailler les représentations de chacun pour une action efficiente au service de la population et d’utiliser un regard croisé pour l’appréhension de situations complexes.


De plus, de nombreuses personnes ou familles que je rencontre sont inconnues des services sociaux.


Chaque partenaire détient des faisceaux d’indices, permettant une certaine lecture de la situation de la personne accompagnée. Après accord de la personne, je prend contact avec les différents partenaires qui l'accompagnent, afin d’avoir une lecture plus précise de la situation et de permettre une orientation plus juste et un accompagnement global.



En conclusion, être intervenante sociale en commissariat, c'est une mission passionnante et remplie de défis. Chaque jour, je rencontre des personnes aux parcours de vie variés et j'ai la chance de les accompagner dans leurs démarches administratives et sociales.


Mon objectif est de faire en sorte que chacun puisse avoir accès à ses droits et à un accompagnement personnalisé, quelle que soit sa situation. Demain, dans un nouvel article, je vous présenterai plus en détail le public que j'accueille et les enjeux auxquels je fais face au quotidien. A demain !


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